Anne Chartré, signaleuse routière dévouée depuis 13 ans

À l’occasion de la Semaine nationale de sensibilisation à la sécurité des travailleur·euse·s routier·ère·s, qui se tient du 9 au 15 juin 2025 sous le thème « La protection des travailleurs de chantier, j’embarque », nous avons choisi de donner la parole à ceux et celles qui sont en première ligne : les signaleur·euse·s routier·ère·s. Trop souvent méconnu, leur rôle est pourtant essentiel à la sécurité des chantiers et de tous les usager·ère·s de la route. Par cette entrevue, nous souhaitons mettre en lumière leur réalité, leurs défis quotidiens et l’importance de leur présence sur le terrain. 

À 43 ans, Anne Chartré cumule 13 années d’expérience en tant que signaleuse routière, un métier qu’elle a découvert presque par hasard, mais auquel elle se consacre aujourd’hui avec passion et rigueur. Ancienne réceptionniste, elle a entamé sa carrière en signalisation en octobre 2011, convaincue par une amie qui voyait en elle les qualités idéales pour ce poste exigeant. 

Des responsabilités multiples, une vigilance constante  

Installée à un accès chantier en plein cœur de Montréal, Anne est en première ligne pour assurer la sécurité de tous les usager·ère·s de la route : automobilistes, piéton·ne·s, cyclistes, et bien sûr, les travailleur·euse·s. Chaque jour, elle accueille les fournisseurs, supervise les livraisons et guide les déplacements de la machinerie lourde, tout en veillant à ce que la circulation autour du chantier soit fluide et sécurisée. La communication joue aussi un rôle fondamental dans ses fonctions. 

« Je m’assure que mon accès chantier reste libre, dégagé, et que tout le monde travaille de manière coordonnée. Je veille à transmettre l’information entre les différents acteurs du chantier. » explique-t-elle. 

Son rôle ne se limite pas à agiter un panneau "Arrêt". Anne est aussi un lien essentiel entre les différent·e·s intervenant·e·s sur le chantier. Elle veille au respect de la signalisation qui l’entoure, en particulier le panneau T-60, qui indique clairement la présence d’un·e signaleur·euse sur place. Sans ce panneau, les usager·ère·s de la route ne peuvent pas savoir qu’un·e signaleur·euse est présent·e, ce qui représente un risque pour la sécurité. Travailler au contact direct de la population n’est pas sans défis. Anne constate que de nombreux·ses usager·ère·s de la route ignorent les règles, ou choisissent de ne pas les respecter. Certain·e·s adoptent des comportements liés, selon elle, à un manque d’éducation routière ou à des mentalités culturelles différentes. 

« Certains automobilistes ne croient pas qu’ils doivent s’arrêter à mes signaux. Chez certaines communautés, les femmes signaleuses ne sont tout simplement pas prises au sérieux. Ce n’est pas un jugement, c’est un fait du terrain. » 

Malgré ces difficultés, Anne reste profondément motivée. Elle voit son métier comme un engagement humain : protéger des vies, sensibiliser, et transmettre son savoir-faire. Elle est même à l’origine d’une vidéo pédagogique montrant comment bien utiliser un bâton lumineux, un outil clé du métier. Son expérience, sa lucidité, et son engagement illustrent à quel point le rôle des signaleur·euse·s  va bien au-delà de la simple gestion de la circulation : il s’agit d’un véritable travail de terrain, de communication, et de prévention. 

Interrogée sur les qualités essentielles pour exercer cette profession, Anne met en avant le souci du détail, l'esprit équipe, le goût pour la communication et une attitude généralement joviale et souriante. Ces aptitudes humaines sont, selon elle, tout aussi importantes que les compétences techniques. En revanche, elle suggère plusieurs pistes concrètes pour améliorer la sécurité des travailleur·euse·s sur les chantiers. 

« Il faudrait imposer des amendes plus sévères en cas de conduite dangereuse, comme c’est le cas aux États-Unis. Les interventions policières gagneraient aussi à être plus cohérentes, avec des techniques uniformisées pour intercepter les conducteurs irresponsables. » 

À travers son témoignage, la signaleuse Anne Chartré met en lumière le rôle essentiel des signaleur·euse·s routier·ère·s, qui va bien au-delà de la simple gestion de la circulation. Ce métier implique coordination, prévention et protection sur des chantiers complexes. Elle insiste sur l’importance de la rigueur, de l’expérience et de la passion pour assurer la sécurité. Anne souligne aussi des enjeux cruciaux : une meilleure reconnaissance du métier et un encadrement plus strict pour garantir des conditions de travail sécuritaires. En conclusion, Anne tient à remercier l’Association québécoise des transports (AQTr) pour cette initiative : 

« Merci à l’AQTr de nous donner la parole. Trop souvent, les signaleur·euse·s sont oublié·e·s. Ce genre d’entrevue permet de montrer qui on est vraiment et pourquoi notre métier mérite d’être pris au sérieux. » 

En cette Semaine nationale de sensibilisation à la sécurité des travailleur·euse·s routier·ère·s, son message résonne avec force : la sécurité des chantiers passe aussi par la reconnaissance et la protection de ceux et celles qui y travaillent, chaque jour, et sauvent des vies.